Sur Twitter, les fausses informations davantage diffusées que les vraies

Pour la première fois, des chercheurs ont massivement mesuré la diffusion des fausses informations sur Twitter. Et le résultat est sans appel : les fausses informations sont bien plus diffusées que les vraies.

Pour la première fois, des chercheurs ont massivement mesuré la diffusion des fausses informations sur Twitter. Et le résultat est sans appel : les fausses informations sont bien plus diffusées que les vraies.

Soroush Vosoughi, Deb Roy et Sinan Aral, trois chercheurs du MIT, ont étudié la diffusion de 126.000 articles diffusés sur Twitter entre 2006 et 2017. L’étendue de leur base de données est énorme, même si elle ne concerne que des articles en anglais.

Surtout, elle va au-delà de la seule élection présidentielle américaine de 2016, pendant laquelle les fake news ont pris une importance toute particulière ; toutefois, leurs résultats suggèrent que le problème des fake news, un terme auquel les auteurs de l’étude préfèrent le terme moins connoté politiquement de false news, est en réalité (bien) plus ancien.

Une diffusion inquiétante des fausses informations

Je passe la parole à Sylvestre Huet, journaliste scientifique qui résume les résultats de [zotpressInText item= »{5SM4JRKY} »] :

En moyenne, il faut six fois plus de temps au vrai qu’au faux pour toucher 1500 personnes. Et vingt fois plus de temps pour atteindre les dix nouveaux départs de re-tweets.

Sur Twitter, un retweet est le fait de republier sur son compte un message (« tweet ») initialement diffusé (ou rediffusé) par un autre compte. Un départ de retweets est lorsque le tweet initial est directement retweeté par des personnes différentes – alors qu’une cascade de retweet est lorsqu’un retweet est lui-même retweeté.

Pour qu’un tweet contenant une fausse information fasse l’objet de dix départs de retweets, il est nécessaire d’attendre vingt fois moins longtemps que lorsque le tweet contient une information vérifiée.

Les retweets de fausses informations sont en moyenne beaucoup plus nombreux que ceux des informations vraies. Le « viral » – lorsque la propagation d’une information connaît un succès à chaque nouvelle « branche » initiée par un re-tweet – caractérise le faux, quand le vrai se diffuse plan-plan. La palme revient aux fausses informations politiques : ce sont les plus virales (avec les légendes urbaines), atteignent 20.000 personnes trois fois plus vite que toutes les autres catégories de fausses informations atteignent 10.000 personnes. Le faux l’emporte sur le vrai pour tous les mécanismes d’amplification dans la diffusion sur le réseau social.

Pour résumer, les tweets contenant de fausses informations se diffusent plus vite, et plus profondément (en touchant davantage de personnes différentes) que les tweets contenants de vraies informations. L’ampleur du phénomène est assez inquiétante :

L’exploration statistique de la propagation du faux et du vrai pourrait désespérer les scientifiques à l’origine du web qui voyaient dans ces logiciels mettant internet à la disposition du plus grand nombre un formidable outil de diffusion de la culture et du savoir, la mise à disposition de tous de la bibliothèque de l’Humanité.

Et si les plate-formes réagissaient ?

Toutefois, il y a, me semble-t-il, quelque motif d’espoir :

Pour [Divina Frau-Meigs, Professeure à l’Université Paris-Sorbonne nouvelle], […] les plate-formes (Twitter, Facebook…) ont compris qu’elles courraient un risque commercial – le seul qu’elle craignent vraiment – si elles deviennent complices, dans l’esprit du public, de la diffusion privilégiée des fausses informations. Or, Facebook est déjà «le plus grand diffuseur de fake news» souligne cette membre du groupe d’experts sur les fake news formé par la Commission Européenne en novembre dernier.

Ici, l’espoir réside dans le risque encouru par les grands médias sociaux s’ils ne font rien pour endiguer le problème : si les utilisateurs partent, leurs revenus vont baisser. Et pour éviter une telle hémorragie, ils peuvent essayer de mettre en place un certain nombre de contre-mesures1S’ils n’y parviennent pas, je pense qu’on ne peut pas exclure l’intervention des pouvoirs publics pour les y contraindre, voire même leur disparition et leur remplacement par des médias sociaux plus soucieux de ne pas mettre en danger les institutions démocratiques..

Certains prétendent que Facebook serait déjà en danger. L’argumentaire ne m’a pas tellement convaincu (l’évolution d’un cours de bourse sur cinq jours ne dit pas grand chose, de même que le recul de l’usage de la plateforme au moment où Facebook dit faire de profondes modifications de son algorithme), mais il est cependant acquis que Facebook a vu son image fortement dégradée au cours des dernières années – et l’actualité récente ne va pas arranger les choses…

Un exercice intéressant (mais que je n’ai pas fait) serait de comparer l’audience Twitter et Facebook d’un site comme Le Signal Économie avec des pages « d’économie » racontant n’importe quoi, mais avec un habillage marketing des plus spectaculaires (« 10 moyens de s’enrichir en restant chez soi », « Révélations, ces chiffres que le gouvernement vous cache », etc.). Je ne doute pas une seule seconde qu’elles seront bien plus larges que la mienne…

À noter, pour conclure, que la base de données a été fournie par Twitter, et d’après l’article elle est librement disponible pour qui veut reproduire les résultats (moyennement le remplissage d’un formulaire, ce qui me paraît raisonnable compte tenu du degré de sensibilité des données). Je trouve que c’est courageux de la part de Twitter d’avoir ouvert l’accès à ces données, d’autant que dans le cas présent, leur analyse aboutit à une conclusion potentiellement nuisible à son activité.

Par Olivier Simard-Casanova

Économiste et doctorant en économie, je suis le fondateur de L'Économiste Sceptique.

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Bonjour, c'est Olivier – alias L'Économiste Sceptique 🙂

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