Quel est le bilan économique des grands évènements sportifs ?

Paris va héberger les Jeux Olympiques de 2024, ce qui va nécessiter de lourds investissements. Dans un rapport, des experts craignent de sérieux dérapages budgétaires, qui pourraient compromettre l’équilibre économique du projet. Pour les économistes, ça n’est toutefois guère surprenant.

Paris va héberger les Jeux Olympiques de 2024, ce qui va nécessiter de lourds investissements. Dans un rapport, des experts craignent de sérieux dérapages budgétaires, qui pourraient compromettre l’équilibre économique du projet. Pour les économistes, ça n’est toutefois guère surprenant.

Un évènement comme les Jeux Olympiques ou la Coupe du Monde donne à la ville qui l’héberge une renommée planétaire le temps des festivités. Souvent, ces évènements sont défendus par les pouvoirs publics au prétexte qu’ils permettent de créer des richesses. La réalité est plus nuancée : les budgets prévisionnels sont (très) sous-évalués, et les recettes sont plus faibles qu’attendu.

Comme le montre cet article des Décodeurs du Monde de septembre 2017, la sous-évaluation des budgets prévisionnels des Jeux Olympiques est loin d’être une vue de l’esprit :

D’après ce graphique et selon les villes que l’on retient, il me paraît raisonnable de dire qu’en général, le coût réel est de l’ordre du double ou du triple du budget prévu. Ceux de Paris sont budgétés à 6,8 milliards d’euros, si cette « règle » se vérifie une nouvelle fois, on peut imaginer un coût final de l’ordre de 12 à 15 milliards d’euros1Il est tout à fait possible que le coût réel soit du même ordre que celui budgété. Je ne dis pas que le coût sera forcément plus élevé, je dis que compte tenu des précédents, il existe une probabilité élevée qu’il le soit..

Cette sous-évaluation chronique des budgets peut s’expliquer par la crainte que les citoyens des villes candidates ne soutiennent pas, ou plus, la candidature. C’est récemment arrivé à Boston, dont la candidature pour les JO de 2024 et 2028 a finalement été retirée du fait d’une opposition croissante des habitants de la ville. Les arguments utilisés par les opposants aux Jeux sont d’ailleurs très clairement économiques.

Pour ce qui est des recettes, il est souvent dit que les villes profitent d’un afflux touristique lié à ces évènements. L’afflux de touristes qui viennent assister aux évènements sportifs se fait en partie au détriment des touristes « classiques », qui préfèrent éviter la ville hôte le temps de l’évènement. Il faut aussi s’assurer que la dépense moyenne d’un touriste « sportif » soit au moins aussi élevée qu’un touriste « classique », ce qui n’est pas dit car les touristes « sportifs » ont tendance à rester (et à dépenser) dans les zones près des stades, contrôlées par les organismes comme la FIFA ou le CIO. Les retombées pour l’économie locale sont donc limitées.

On entend aussi que ces évènements sont l’occasion de construire des infrastructures importantes : le réseau de métro de Pékin a été considérablement étendu aux moments des Jeux Olympiques, des quartiers de Londres ont été réhabilités en 2012, et ainsi de suite. Toutefois, on peut contre-argumenter en disant que ces infrastructures auraient, pour la plupart, été construites de toute façon2Une question plus subtile est celle de l’optimalité de l’accélération du financement de ces projets : aller plus vite que « prévu » n’est pas nécessairement une bonne chose, si cela conduit à renoncer au financement de projets encore plus urgents et importants.. Et si elles ne l’avaient pas été sans ces évènements, c’est qu’il y avait peut-être de bonnes raisons – comme un manque de rentabilité socio-économique ou des contraintes sur les finances publiques.

Pour ce qui est des infrastructures sportives, il n’est pas rare qu’elles ne soient guère plus utilisées une fois les évènements terminés, comme l’illustre le cas grec ou le Stade de France à Saint-Denis (nord de Paris), qui n’a pas d’équipe résidente alors qu’il s’agit du plus grand stade de France. Certains argumentent que les Jeux Olympiques d’Athènes ont joué un rôle majeur dans la crise qu’a connu le pays à partir de 2011.

De manière générale (et je pense que je publierai une Enquête à ce sujet avant la Coupe du Monde en Russie cet été), les publications scientifiques en économie sont assez claires : l’effet économique net de ces évènements, en plus d’être difficile à mesurer, est loin d’être la panacée régulièrement annoncée.

Wladimir Andreff, professeur d’économie à l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne à propos des Jeux Olympiques de Londres au Monde :

Le seul moyen de conclure que cela valait la peine d’accueillir les JO a été de tenir compte de [supposés] effets intangibles, telle la fierté nationale et locale d’avoir accueilli les Jeux.

Bien évidemment, que ces grands évènements sportifs ne soient pas rentables d’un point de vue économique ne veut pas dire qu’il ne faut pas les héberger. On peut vouloir héberger des évènements de ce type pour des raisons de prestige national, pour profiter de la fête, etc. Pondérer leurs coûts et ces bénéfices « intangibles » est une affaire de point de vue personnel, et pour être honnête je ne sais pas moi-même quoi penser de ces évènements.

Cependant, défendre une candidature au prétexte qu’elle va générer un surplus net pour l’économie nationale est un argument infondé qui ne devrait pas être utilisé dans le débat public – et s’il l’est, il devrait être corrigé par les fact checkers.

Image de couverture : Artur Staszewski sur flickr

Par Olivier Simard-Casanova

Économiste et doctorant en économie, je suis le fondateur de L'Économiste Sceptique.

Bonjour, c'est Olivier – alias L'Économiste Sceptique 🙂

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