Qu’est-ce que le consensus scientifique ?

La polémique en cours et à laquelle j’ai participé sur Le Négationnisme économique de Pierre Cahuc et André Zylberberg n’a pas forcément été très facile à suivre pour des personnes « extérieures » à tous ces débats d’économistes. Et le manque de temps m’a « obligé » à ne pas expliquer un certain nombre de concepts que j’ai pourtant abondamment utilisé.

Avec cet article, Passeur d’Éco revient à son activité normale. Aujourd’hui, la question va être celle du consensus scientifique : de quoi s’agit-il ? Et existe-t-il un consensus scientifique entre les économistes ? D’ici quelques articles, je pense que si vous avez été perdu par cette polémique, vous aurez de quoi y voir plus clair !

Un peu de français

Ça n’est pas exactement le genre de procédé qui m’éclate, mais commençons d’abord par regarder comment différents dictionnaires définissent le terme de « consensus » :

Accord et consentement du plus grand nombre, de l’opinion publique. – Larousse

Accord de plusieurs personnes, de plusieurs textes sur un sujet déterminé. […] Accord d’une forte majorité de la population, de l’électorat. – Wiktionary

Accord entre plusieurs parties, plusieurs personnes. Accord de la majorité ou du plus grand nombre. – L’Internaute

Ce que je veux mettre en évidence avec ces trois définitions est assez simple : « consensus«  et « unanimité » ne sont pas des synonymes. Pour cette raison, dire qu’il existe quelques personnes en désaccord ne suffit pas à montrer qu’il n’y a pas de consensus.

Et pour les sciences, ça donne quoi ?

Dans les sciences, la notion de consensus est absolument centrale. Pour le dire simplement, le consensus scientifique est l’ensemble des opinions partagées par la majorité des chercheurs dans un champ donné. Ce que l’on appelle « opinion » porte sur au moins deux types de questions :

  • Tel résultat est raisonnablement vrai/raisonnablement faux
  • Telle méthode est fiable/pas fiable

Ce qui différencie les opinions scientifiques des opinions par exemple politiques, est la manière dont elles sont forgées : par l’usage en tandem de la méthode scientifique et de la validation par les pairs.

La validation par les pairs au cœur de la science

Les sciences sont parfois présentées comme des entreprises « pures », dont les résultats sont incontestables et « objectifs ». Bien évidemment, les résultats issus de la méthode scientifique apportent certainement plus de « vérité » que ceux issus d’un travail où l’auteur suppose certains résultats pour arriver à la conclusion qu’ils existent bien… Toutefois, il faut aussi avoir en tête que la science est une activité sociale, et qu’elle a des dimensions conventionnelles.

La plus importante est cette fameuse validation par les pairs. En sciences, proférer une opinion ne suffit pas. Ce qu’il faut, c’est aussi convaincre les autres scientifiques de sa discipline que l’opinion est la bonne.

Comment se passe ce travail de conviction ? Par le biais de participation à des conférences, par la publication d’ouvrages ou, plus souvent, d’articles dans des revues scientifiques soumis à la revue par les pairs, etc. Et soyons clair : ce processus de conviction peut prendre du temps. Einstein aura peiné à imposer l’idée de la relativité générale à ses collègues physiciens.

Congrès de l'Association Française de Science Économique à Nancy – Juin 2016 © Olivier Simard-Casanova
Congrès de l’Association Française de Science Économique à Nancy – Juin 2016 © Olivier Simard-Casanova

Parce que la science est en réalité un immense débat permanent, le consensus scientifique n’est jamais figé dans le temps. Il évolue en fonction des nouvelles découvertes, de l’arrivée de nouvelles méthodes, et ainsi de suite. Les sciences sont des espaces où la concurrence entre les idées est très féroce, et ces dernières peuvent apparaître et disparaître très vite.

Et en économie ? Y a-t-il un consensus scientifique ?

Très clairement, la réponse est oui. Une (écrasante) majorité des 46.000 (et plus) chercheurs en économie dans le monde partagent en effet un certain nombre d’opinions sur la définition, les méthodes et les principaux résultats de la science économique.

Plus localement, c’est-à-dire dans certains sous-domaines de la discipline, le consensus entre chercheurs dans ces sous-domaines peut être plus ou moins fort. Par exemple, en macroéconomie « de court terme » (qui étudie par exemple comment évolue la croissance sur quelques mois/quelques années, et pourquoi), il y a un débat assez intense à propos des modèles actuellement dominants (pour les connaisseurs, je fais référence aux modèles DSGE). À l’inverse, en théorie de la croissance (qui étudie cette dernière sur plus longue période), il y a un consens très large pour dire que la croissance économique est avant tout déterminée par le progrès technique et l’innovation.

Je fais cette remarque car il me paraît important de ne pas extrapoler l’état du consensus scientifique en économie à l’état du consensus dans seulement l’une de ses branches (un travers trop souvent entendu dans les médias).

Dans un futur article, j’expliquerai plus en détail-s en quoi consiste ce consensus scientifique entre économistes. Si vous ne voulez pas rater ce futur article (et les autres), n’hésitez pas à vous abonner (gratuitement) au Bulletin Éco en renseignant le formulaire juste en dessous !

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Merci à Julien pour sa relecture.

Par Olivier Simard-Casanova

Économiste et doctorant en économie, je suis le fondateur de L'Économiste Sceptique.

Bonjour, c'est Olivier – alias L'Économiste Sceptique 🙂

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